Faire l’expérience d’un jeu du début à la fin en une seule journée laisse un souvenir tellement plus intense que lorsque le jeu s’étend sur des jours, voire des semaines. J’ai exploré de fond en comble The Sexy Brutale (dimanche pluvieux idéal) et l’atmosphère du jeu est pour le moins unique ! Un pari osé de la part de Tequila Works pour un résultat très réussi.
Quel genre de jeu est The Sexy Brutale
En louant The Sexy Brutale à la bibliothèque municipale, jeu paru en 2017 sur PC et PS4 entre autres, je m’attendais à un jeu innocent au titre provocateur. Après tout, le jeu est à la bibliothèque, on ne peut pas s’attendre à un Manhunt. Peu importe, je voulais un jeu « point-and-click », et le verso du boîtier semblait indiquer que c’en était un. Vendu (enfin, loué pour le coup.) Même si l’on est dans un jeu d’aventure/puzzle, on demeure loin d’un Monkey Island. En fait, le jeu s’est trouvé une niche pratiquement exclusive en piochant les meilleurs aspects de certains jeux bien connus.
La recette de The Sexy Brutale ? Un peu de :
- Luigi’s Mansion
- Les Chevaliers de Baphomet
- Le Cluedo
- Zelda: Majora’s Mask
- Le Rocky Horror Picture Show
- La Famille Adams
The Sexy Brutale – l’histoire
Et ça fait peur ? C’est cochon ? Non, ce n’est pas du tout cochon, rien de bien sexy là-dedans. Si ça ne fait pas vraiment peur, l’ambiance a quand même de quoi vous faire dresser les poils sur les bras et l’histoire est franchement macabre. Parlons-en d’ailleurs de l’histoire. Vous vous réveillez allongé au sol dans une pièce, vous, Lafcadio Boone, prêtre de d’une Église ou d’une autre, au milieu d’un manoir qui fait office de casino et autres divertissements. Pourquoi pas.
Une femme ensanglantée surgi du sol pour vous prier de sauver les résidents de ce complexe maléfique qui doivent tous mourir aujourd’hui même. Le personnel du manoir orchestre en effet ces assassinats tandis que les pauvres diables ne se doutent pas un seul instant de ce qui les attend. Diantre ! Jusque là, rien de bien exceptionnel, même si ça donne déjà très envie. Mais The Sexy Brutale va vous demander BEAUCOUP plus d’ouverture d’esprit que ce que vous croyez.
Masques à gogo
Rien à voir avec la covid-19, mais vous allez porter et collectionner les masques. Et oui, notre Lafcadio est masqué, les invités du manoir aussi, et le personnel démoniaque tout autant (ils ont une espèce de cagoule en latex floquée d’un symbole de cartes à jouer). Dès que vous pénétrez une pièce où un autre personnage (ami ou ennemi) se trouve, le temps se fige, et le masque vous attaque. Vous devez quitter la pièce au plus vite pour survivre. À chaque fois que vous empêchez la mort d’un des invités, vous héritez de son masque, qui vous confère de nouveaux pouvoirs (ouïe acérée, maîtrise du temps, etc.) Mais comment sauver la quinzaine de locataires en seulement quelques heures ? Simple, vous remontez le temps. Et, oui, bienvenue dans le jour sans fin ! Au bout de douze heures, le compteur repart à zéro, jusqu’à ce que vous ayez porté secours à tout le monde.
De bonnes idées, mais…
Pour être tout à fait honnête, j’ai eu un petit peu de mal à rentrer dans cet univers pour le moins inattendu. Mais au bout de quelques minutes, on se retrouve happé dans cette ambiance moitié loufoque, moitié sordide et le jeu devient très prenant. Il est d’ailleurs assez court, je l’ai bouclé en une dizaine d’heures en prenant le temps de récupérer tous les bonus. Mais bon, la qualité vaut bien une quantité un peu maigre. Les graphiques sont très bien rendus, assez imprégnés du style Tim Burton, tout en dégageant une identité propre à eux. Les énigmes sont bien ficelées, sans donner trop de fil à retordre. Bref, un jeu à recommander.
Néanmoins, le jeu souffre de quelques défauts. Le déplacement du personnage est lent quand on se déplace dans une zone déjà connue (du genre, je veux juste aller à la cave, mais je dois traverser 16 pièces que je connais déjà par cœur). Les bonus à collectionner (cartes à jouer et invitations) n’offrent pratiquement aucune récompense si ce n’est les trophées à remporter et il n’y a pas de vue d’ensemble de leur état. Impossible de savoir quelle carte il me manque ! Il m’en manque deux sur 52, allez savoir lesquelles. Le plan du manoir est aussi difficile d’accès vu la fréquence à laquelle on y a recours. Enfin, la Playstation 4 rame pas mal et les tressautements sont très fréquents.
Paroles et musique
La musique est super sympa : un rendu un peu jazzy, un peu charleston alterné de musiques à suspens qui se prêtent parfaitement aux situations. Les bruitages sont cependant un peu en reste avec des dialogues ponctués d’un drôle de son et notre prêtre qui semble parcourir le casino en Louboutin, à en juger le bruit de ses pas. Un peu agaçant au bout d’un moment. Le reste passe sans souci. Il est néanmoins surprenant que les dialogues ne soient pas parlés pour un jeu qui date de 2017… Encore un fois, les dialogues sont certes bien écrits, mais hélas mal traduits. J’ai finis le jeu en anglais et testé une demi-heure en français pour cet article. C’est correct, mais super littéral. Le ton des dialogues ne colle pas très bien aux personnages et il y a des phrases qui manquent cruellement de naturel. Je ne sais pas vous, mais je ne dis jamais « Qu’est-ce que c’était ? » quand je me retourne après avoir entendu un bruit menaçant… On le voit encore trop souvent.
Une visite magnifique
Tequila Works a fait preuve d’une incroyable créativité. La demeure est exceptionnelle et on prend un vrai plaisir à la parcourir, même après être passé plusieurs fois dans le même couloir. Les mécaniques sont tout aussi bien pensées, avec des restrictions intelligentes et des rebondissements aussi crus que délectables. Un tout petit bémol pour la logique sur ce qui est maintenu quand on remonte le temps, mais rien de bien méchant dans l’ensemble. Il faut s’y plonger pour se laisser surprendre. The Sexy Brutale s’approprie et réinvente le genre gothique.
Un des écueils que The Sexy Brutale parvient à éviter est celui du manque d’intérêt à refaire une partie. Une fois les énigmes résolues, les jeux de ce genre n’ont généralement plus guère d’intérêt. Dans Sexy Brutale, on vit un film multi-dimensionnel. On peut suivre le parcours de chacun des invités (que leur issue soit heureuse ou non) durant ce fameux samedi et profiter des dialogues amusants. Les personnages sont bien écrits, encore faut-il se donner la peine de les découvrir. Sexy Brutale exploite le côté voyeur de la situation : tous les dialogues sont entendus soit en écoutant aux portes, soit en se cachant dans une armoire. Mais qui sait si l’on ne se fait prendre tandis qu’on espionne allègrement ! Même si l’on ne peut vraiment perdre, la tension de ce cache-cache mortel est saisissante.
The Sexy Brutale, le verdict
Bien que le jeu soit pénalisé par des petites erreurs qui auraient facilement pu être évitées pour un rendu encore meilleur, The Sexy Brutale est un petit chef d’œuvre unique en son genre. Pour un prix oscillant entre 20 et 30 euros selon les plate-formes, aucune excuse pour s’en priver !
Images : Tequila works s.l.